Article publié initialement sur École Branchée, novembre 2022
La montée en popularité de la classe inversée et, plus récemment, la pandémie de COVID-19, ont mené plusieurs enseignantes et enseignants à élaborer des capsules vidéos à des fins pédagogiques. Le lightboard, une technologie apparue il y a sept ou huit ans, a d’ailleurs attiré l’attention de plusieurs et a gagné en popularité sur le Web et à l’intérieur de la communauté éducative. Nos collaborateurs de l’Université du Québec à Chicoutimi ont consulté la littérature scientifique sur le sujet. Voici un résumé de ce qu’ils ont appris.
Par Emilie Desjardins, assistante de recherche
Stéphanie Collard, Conseillère pédagogique en technologies éducatives
Patrick Giroux, Professeur et directeur académique
Tous trois du Carrefour de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
La montée en popularité de la classe inversée et, plus récemment, la pandémie de COVID-19, ont mené plusieurs enseignantes et enseignants à élaborer des capsules vidéos à des fins pédagogiques. Le lightboard, une technologie apparue il y a sept ou huit ans, a d’ailleurs attiré l’attention de plusieurs et a gagné en popularité sur le Web et à l’intérieur de la communauté éducative. Comme pour toutes les nouvelles technologies en éducation, de nombreuses rumeurs courent à propos de cet outil. Les lightboard sont supposés procurer plusieurs avantages. Ils favoriseraient notamment l’engagement des apprenantes et des apprenants, une condition importante pour l’apprentissage. C’est cet avantage qui a attiré notre attention. Avant de nous lancer dans cette aventure, nous avons décidé de consulter la littérature scientifique sur le sujet. Voici un résumé de ce que nous avons appris.
D’ABORD, QU’EST-CE QU’UN LIGHTBOARD?
Le lightboard (l’OQLF propose aussi le terme « projecteur panneau ») se compose d’une vitre transparente sur laquelle l’enseignante peut écrire à l’aide de marqueurs de couleur néon. Des lumières de diodes électroluminescentes (DEL) encadrent la vitre pour créer un effet de surbrillance de l’écriture. Un fond noir, derrière l’enseignante, ainsi que de l’éclairage sur ce dernier le font apparaitre dans la vidéo et complètent l’installation.
Une caméra doit être configurée pour inverser l’image et rendre les annotations lisibles pour l’auditoire. On utilise aussi parfois un logiciel pour inverser l’image plutôt que la caméra. De petits appareils électroniques (magnétoscopes numériques ou steam deck) peuvent aussi être utilisés pour inverser l’image entre la caméra et l’ordinateur.
Un moniteur placé devant l’enseignante lui permet de voir le flux d’image en temps réel, ce qui est particulièrement utile lorsqu’on utilise PowerPoint pour placer des schémas ou des graphiques par-dessus l’image de la vidéo. L’enseignante peut alors annoter des éléments graphiques sur l’écran de verre même s’ils ne sont pas vraiment affichés sur le lightboard.
On peut fabriquer son propre lightboard ou l’acheter. La première solution est évidemment la plus économique. Des plans et des tutoriels sont d’ailleurs offerts sur le Web, souvent avec des liens et des informations permettant de commander les pièces nécessaires. L’achat d’un lightboard déjà fabriqué est comparativement sans efforts, mais plus coûteux puisque qu’un tableau de ce type peut coûter plusieurs milliers de dollars (selon sa taille), auxquels il faut possiblement ajouter le prix d’une caméra, d’un ordinateur, etc.
CE QUE NOUS APPREND LA RECHERCHE
Il y aurait des retombées positives pour les étudiants et les enseignants de l’usage du lightboard. Selon les articles consultés, le lightboard est défini comme un bon outil pour soutenir l’apprentissage (Rogers, 2018). Les vidéos créées avec cet outil permettraient une meilleure compréhension des contenus (Rogers, 2018; Schweiker et al., 2020; Smith et al., 2017), une meilleure rétention (Wilson, 2020), de meilleures performances scolaires (Rogers & Botnaru, 2019; Schweiker et al., 2020; Stull et al., 2018) et un meilleur transfert d’apprentissage des concepts importants (Fiorella et al., 2019). Le lightboard faciliterait aussi la résolution de problèmes (Alpay et al., 2017; Rogers, 2018).
De manière générale, les étudiants éprouveraient aussi de la satisfaction par rapport aux vidéos utilisant cet outil technologique (Birdwell & Peshkin, 2015; Pal et al., 2020; Skibinski et al., 2015). Tel que mentionné en introduction, il semble aussi que le lightboard favorise l’engagement des apprenants. Les études comparatives de Fiorella et al. (2019) et Stull et al. (2018) dans lesquelles des vidéos lightboard et des vidéos sur tableau blanc ont été utilisés démontrent que les étudiants sont plus engagés lors de l’écoute des vidéos utilisant le lightboard. Fiorella et al. (2019) laissent entendre que le contact visuel constant jouerait un rôle important dans cet engagement.
Selon nos observations, les données relatives aux retombées de l’utilisation d’un lightboard à des fins pédagogiques sont cependant à considérer avec précaution. Les échantillons sont souvent très petits et on utilise souvent des questionnaires de satisfaction et des données auto rapportées. Il s’agit rarement d’expériences bien contrôlées et de très nombreuses variables non considérées par les chercheurs peuvent avoir exercé une influence.
Malgré certaines faiblesses des appuis scientifiques, on remarque une cohésion dans ce qui est rapporté, notamment en regard des raisons citées pour justifier l’utilisation de cette technologie :
- Le lightboard permet d’optimiser les classes en ligne ou inversées (Swenson et al., 2022).
- La présentation est plus naturelle (Ye, 2016), car l’enseignant n’a pas besoin de tourner le dos aux étudiants. Il permet un contact visuel constant avec l’auditoire et facilite ainsi l’utilisation du regard pour guider l’attention (Corkish et al., 2021).
- Le lightboard accroît le sentiment de connexion entre l’enseignante et l’étudiante et comble le manque d’engagement physique habituellement perçu dans certains formats vidéo (Bhadri & Patil, 2022; Firouzian et al., 2016).
- L’effet de brillance de l’écriture, la sensation qu’elle flotte dans l’écran et la pointe du stylo orientée vers l’auditoire rendent l’outil attrayant (Staples & Lewis, 2020).
POUR UNE UTILISATION OPTIMALE DU LIGHTBOARD
Bien que le lightboard conserve la facilité d’utilisation d’un tableau blanc, il n’en demeure pas moins que certaines caractéristiques de cet outil sont à prendre en considération selon les écrits consultés (et notre expérience récente!) pour en faire une utilisation optimale et ne pas nuire à la qualité de la vidéo.
Il est d’abord recommandé que l’enseignant porte un chandail uni et foncé et qu’il évite les objets brillants comme les bijoux afin de ne pas nuire à la visibilité des écritures (Corkish et al., 2021; Fung, 2017). Les logos, les écritures ou les images sur les vêtements sont aussi déconseillés, car ils apparaîtront à l’envers dans la vidéo et risquent de déconcentrer l’auditoire (Schweiker et al., 2020).
L’enseignant doit garder en tête qu’il se peut que la caméra ne cadre pas la totalité du lightboard, et donc que certains éléments ne soient pas captés dans la vidéo. Il vaut mieux faire quelques tests et, lorsque possible, placer un écran sous la caméra pour voir ce que l’on fait et enregistre en temps réel. La quantité de texte écrit ne doit pas être trop grande, sinon c’est peut-être le signe que la matière pourrait mieux convenir à un autre type de format vidéo (McFall & McCorkle, 2017) ou être subdivisée. Lorsque le tableau est plein, il vaut mieux mettre fin à l’enregistrement ou faire une pause, car il est long et difficile d’effacer correctement la surface vitrée (McCorkle & Whitener, 2020).
Sur le plan technique, les marqueurs Expos de type fluorescent et effaçables à sec sont conseillés parce qu’ils accentuent l’effet de brillance créé par les lumières DEL. Ils sont aussi plus faciles à effacer avec un chiffon en microfibre (Schweiker et al., 2020). Il est possible de jouer avec les réglages de l’image pour augmenter la brillance, mais il faut faire attention, car certaines couleurs peuvent devenir indissociables entre elles. Il vaut aussi mieux ne rien laisser sur la table qui supporte la vitre puisqu’on pourrait voir ces objets apparaître dans la vidéo.
Sur le plan pédagogique, certains contenus semblent convenir mieux à l’enseignement avec un lightboard, tels que les domaines de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) (Fung, 2017; Schneider et al., 2018; Wilson, 2020). Peu importe la discipline, ce type de tableau convient bien aux dessins, schémas, équations et graphiques (McCorkle & Whitener, 2020). Selon Staples et Lewis (2020), des vidéos courtes, d’une durée entre 5 et 10 minutes, favoriseraient l’engagement des étudiants et des étudiantes.
Il serait aussi préférable de segmenter la matière en plusieurs vidéos afin de permettre aux étudiants de contrôler leur rythme d’apprentissage (Southard & Young, 2018) et de prévoir une vidéo d’introduction pour contextualiser les apprentissages et introduire les concepts clés. Cela soutient la création de sens et réduit la charge cognitive des étudiant·es (Southard & Young, 2018). Comme il faut mettre l’enregistrement sur pause ou couper la vidéo le temps d’effacer le tableau, il apparaît préférable de subdiviser son contenu en plusieurs « tableaux » ou petites séquences.
CONCLUSION
Le lightboard semble être une technologie intéressante, mais la faiblesse des appuis scientifiques et les coûts associés à l’achat ou la construction de ce type de tableau devraient inciter à la prudence. Plus de recherches sont nécessaires, ce qui nous permettrait, entre autres, de vérifier si l’utilisation d’une telle technologie améliore nettement l’engagement et l’apprentissage des étudiants.
Par contre, beaucoup des choses que la recherche et l’expérience nous ont déjà apprises par rapport à l’utilisation de la vidéo pédagogique, comme la durée optimale des capsules vidéo pour soutenir l’apprentissage, la segmentation des contenus et leur mise en contexte, semblent aussi s’appliquer au lightboard. On ne commence donc pas à zéro!
RÉFÉRENCES
Alpay, N., Ratvasky, P., Koehler, N., LeVally, C., & Washington, T. (2017). Redesigning a statistical concepts course to improve retention, satisfaction, and success rates of non-traditional undergraduate students. Journal of Educational Multimedia and Hypermedia, 26(1), 5-27. https://www.learntechlib.org/p/174175/
Bhadri, G. N., & Patil, L. R. (2022). Blended Learning: An effective approach for Online Teaching and Learning. Journal of Engineering Education Transformations, 35(Special Issue 1), 53-60. https://sciresol.s3.us-east-2.amazonaws.com/srs-j/jeet/pdf/volume-35/34%20Paper_ID_34%20-%20Dr.%20Gururaj%20N%20Bhadri.pdf
Birdwell, J. A., & Peshkin, M. (2015). Capturing technical lectures on lightboard. American Society for Engineering Education, 26.325. 321-326.325. 329. https://peer.asee.org/capturing-technical-lectures-on-lightboard
Corkish, T. R., Davidson, M. L., Haakansson, C. T., Lopez, R. E., Watson, P. D., & Spagnoli, D. (2021). A How-To Guide for Making Online Pre-laboratory Lightboard Videos. Dans American Chemical Society (Éd.), Advances in Online Chemistry Education (Vol. 1389, pp. 77-91). ACS Publications. https://pubs-acs-org.sbiproxy.uqac.ca/doi/abs/10.1021/bk-2021-1389.ch006
Fiorella, L., Stull, A. T., Kuhlmann, S., & Mayer, E. R. (2019). Instructor presence in video lectures: The role of dynamic drawings, eye contact, and instructor visibility. Journal of Educational Psychology, 111(7), 1162-1171. https://psycnet.apa.org/record/2018-58542-001
Firouzian, S., Rasmussen, C., & Anderson, M. (2016). Adaptations of learning glass solutions in undergraduate STEM education. Dans (pp. 25-27). https://www.researchgate.net/profile/Shawn-Firouzian-2/publication/299395180_Adaptations_of_learning_glass_solutions_in_undergraduate_STEM_education/links/56f3e5ad08ae38d7109eda56/Adaptations-of-learning-glass-solutions-in-undergraduate-STEM-education.pdf
Fung, F. M. (2017). Adopting lightboard for a chemistry flipped classroom to improve technology-enhanced videos for better learner engagement. Journal of Chemical Education, 94(7), 956-959. https://doi.org/10.1021/acs.jchemed.7b00004
McCorkle, S., & Whitener, P. (2020). The Lightboard: Expectations and Experiences. International Journal of Designs for Learning, 11(1), 75-83. https://sbiproxy.uqac.ca/login?url=https://search.ebscohost.com/login.aspx?direct=true&db=eric&AN=EJ1258819&lang=fr&site=ehost-live
McFall, T., & McCorkle, S. (2017). The Lightboard : A faculty introduction to the development of supplemental learning media. Conference on Higher Education Pedagogy Proceedings.
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Skibinski, E. S., DeBenedetti, W. J., Ortoll-Bloch, A. G., & Hines, M. A. (2015). A blackboard for the 21st century: an inexpensive light board projection system for classroom use. Journal of Chemical Education, 92(10), 1754-1756. https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acs.jchemed.5b00155
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Southard, S. M., & Young, K. (2018). An exploration of online students’ impressions of contextualization, segmentation, and incorporation of light board lectures in multimedia instructional content. The Journal of Public and Professional Sociology, 10(1), 1-12. https://digitalcommons.kennesaw.edu/jpps/vol10/iss1/7/
Staples, H., & Lewis, A. C. (2020). Increasing student engagement in data-driven management education: front-facing lightboard technology in the flipped classroom. Dans S. Allen, K. Gower, & D. K. Allen (Éds.), Handbook of Teaching with Technology in Management, Leadership, and Business (pp. 237-244). Edward Elgar Publishing. https://www.elgaronline.com/view/edcoll/9781789901641/9781789901641.00033.xml
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