Se connaître et se faire connaître

 
 
 

Quentin Condo
Mi’gmaq
Gesgapegiag

Extraits du film «Indian Time» (2016) de Carl Morasse, produit par La BRV.

 
 

L’empowerment, que l’on peut aussi désigner sous le terme d’autonomisation, est à la fois un processus et le résultat de ce processus. Misant sur les relations égalitaires et la prise de décision à la base, ce mode d’intervention vise le développement des individus et des organisations en s’appuyant sur leurs aptitudes et leurs ressources. Élément essentiel du renforcement identitaire, sa philosophie est simple : offrir le matériel et les techniques de pêche, non le poisson.

L’autonomie désirée n’est pas un geste d’égoïsme ou de repli sur soi dans un élan d’indépendance, mais une volonté d’apprendre à s’affirmer, à prendre conscience de qui l’on est et de ce que l’on veut pour sa communauté. Les approches d’empowerment s’avèrent particulièrement bénéfiques lorsqu’elles touchent les personnes ou les collectivités historiquement ou actuellement opprimées, et qui rejettent les attitudes paternalistes.

L’autonomisation ne peut être ni décrétée ni octroyée. Elle naît et se renforce, entre autres par la participation à une démarche basée sur la concertation et le travail collaboratif. L’éducation, la formation et l’inclusion la facilitent. La culture constitue un levier puissant pour sa croissance.

Stimuler la création

La création est au cœur d’une démarche d’empowerment. Elle peut émerger à tout moment et emprunter diverses formes. Elle naît d’un élan intérieur, de la reconnaissance d’un besoin, et elle s’enrichit de l’apport de toutes les personnes participantes. Chaque membre d’une communauté recèle en lui un potentiel de créativité qu’il peut mettre à profit dans le champ de son expérience, en fonction de ses capacités et du rôle qu’il a choisi de jouer dans un projet.

La création ouvre une porte vers l’univers culturel. Elle permet le passage de l’individu au collectif et constitue une occasion unique de partage, d’apprentissage et de rapprochement intergénérationnel. Elle sollicite les émotions, alimente la valorisation et l’affirmation de soi, et encourage la prise de parole. Moteur d’innovation, c’est une richesse naturelle et un trésor inestimable.

Faire voir, faire savoir

Riche et enrichissante, la création réalise son plein potentiel par la médiation culturelle. Point central d’une démarche de transmission, celle-ci s’incarne dans un ensemble d’activités de communication choisies par les membres d’une communauté ou d’une nation pour illustrer leur appartenance à leur peuple et exprimer leur conception du monde à travers leurs savoirs, leurs savoir-faire et leur savoir-être. Vecteur de changement social, la médiation culturelle invite les collectivités à se mettre en mouvement, à affirmer leur présence dans l’espace public et à s’y sentir reconnues. Elle leur offre les outils pour devenir à la fois les architectes et les bâtisseuses d’un avenir construit à leur image.

Assurer la transmission

Le patrimoine culturel d’une nation est un héritage. Qu’il soit matériel ou immatériel, il témoigne de la mémoire et du génie des Premiers Peuples, ainsi que de leur capacité d’adaptation au territoire et aux situations. Fragile, mais essentiel à la survie des traditions et des savoirs, il mérite d’être conservé, valorisé et transmis aux générations suivantes. Ce geste s’avère fondamental pour l’affirmation et la défense des identités autochtones. Ancrée dans une communauté, cette réalisation collective dépasse de loin la simple exposition d’objets. Elle transforme les personnes qui y participent en sujets de leur propre histoire, en créatrices et passeuses d’un patrimoine renouvelé. Les jeunes apprécient ce point d’ancrage avec leurs racines et développent le désir de le nourrir en y ajoutant leur créativité. Les adultes vivent et apprécient le renforcement des liens familiaux et sociaux. Les aînés éprouvent le bonheur de pouvoir léguer à leur tour l’héritage que leurs ancêtres leur avaient confié.

La création, la médiation et la transmission culturelle constituent autant de moyens menant à l’autonomisation des Premiers Peuples. Du même souffle, elles jettent un pont entre autochtones et allochtones, contribuent à une meilleure connaissance mutuelle et inspirent le respect pour un patrimoine millénaire.