Je regarde depuis quelques jours les témoignages rendus à Monsieur Jean Béliveau, cet homme de cœur et d’action. Un vrai de vrai, qui n’a jamais oublié d’où il venait et où il allait. Comme vous tous, je lis les journaux, j’écoute les reportages télévisés et les interviews sur la rue, dans les restaurants, aux abords du Centre Bell où il est présentement exposé en chapelle ardente. L’émotion est partout palpable, les gens sont touchés, émus. Certains qui ne l’ont jamais vu toucher le fond du filet parlent de lui avec émotion. La voix est tremblante, chancelante.
À première vue et je vous demande pardon à l’avance, je ne peux m’empêcher de trouver ces réactions quelque peu disproportionnées. J’ai l’habitude des salons funéraires et il est rare de voir des proches pleurer de manière aussi intense une personne de 83 ans décédée à la fin d’ une vie bien remplie et réussie. Que se passe-t-il donc au pays du Québec en ce décembre déjà froid? Comment comprendre une telle réaction ?
Et je retourne à RDS qui montre en direct les images du Centre Bell. Cet homme qui parle de ses samedis soirs avec son père écoutant religieusement la soirée du hockey. Il se rappelle le bain pris plus tôt ce jour là pour ne rien perdre du match. De cet autre qui exhibe fièrement un autographe signé de la main du « gros Bill » lorsqu’il avait 8 ans. C’est l’un de ses plus beaux souvenirs d’enfance.
En fait, quand elles s’adressent à la caméra ces personnes pleurent beaucoup plus que leur héros. Elles font mémoire de leur enfance perdue, de leur père décédé depuis plusieurs années, de leur rêve blessé. Se pourrait-il que ce deuil collectif soit l’ occasion de pleurer nos deuils mal assumés un peu bâclés car l’ère du temps n’est pas à la mort ! Merci Monsieur Béliveau pour votre grâce qui nous permet à l’occasion de votre départ de penser à ceux et celles que nous avons aimé et qui nous ont quitté. Je reconnais bien là votre générosité!
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