La mort devrait prendre des vacances et je dois d’entrée de jeu, vous avouer que je suis contente de prendre un petit temps de silence . Je trouve difficile de parler de la mort et de la souffrance en plein soleil de juin et de juillet. Et ce « blocage » est lié à un souvenir qui marque mon premier contact avec la mort réel.
Nous sommes en juillet, ma sœur et moi profitons d’une journée magnifique au bord de la piscine familiale. Un rare moment météorologique où le Fjord retient pour un temps son souffle frais et laisse infiltrer dans ses flancs un vent doux et chaud qui caresse la peau . Vers trois heures de l’après-midi, nous avons entendu les sirènes d’une ambulance . Cela se passait pas très loin de la maison, à peine un demi kilomètre. Un grave accident venait sans doute de se produire. Après un bref instant de silence nous avons repris nos jeux sans trop repenser à ce qui se passait à quelques pas de nous. Une heure plus tard le téléphone sonnait et ma mère apprenait que ma grand-mère était décédée, happée brutalement et mortellement par un motocycliste en traversant la rue qui la menait au dépanneur du coin. Ce fut un choc terrible pour toute la famille. Nous aimions tant cette grand mère qui passait nous « donner un bec » à tous les jours. Mes frères plus vieux la voyant arriver de loin allaient se cacher car ils avaient passé l’âge d’embrasser leur grand-mère. C’est donc ma sœur et moi qui devaient affronter cette volée de bisous au goût de lavande.
Comme le veut la tradition, elle a été exposée trois longues journées. Le matin des funérailles, il faisait un temps superbe. Le cortège s’est mis en marche et s’étirait lentement , tel un cordon ombilical qui tenait ma grand-mère à sa famille, aux mondes des vivants. J’ai jeté un regard vers la Baie des Ha!Ha! . le bleu de la mer ressemblait étrangement aux yeux de ma grand mère. Prise d’émotions, j’ai dit à mon père qui me tenait la main : « On ne devrait jamais mourir l’été , la mort devrait prendre des vacances ». Mon père m’a sourit et nous avons poursuivi en silence notre marche jusqu’à l’église Saint-Alphonse.
Encore aujourd’hui je me dis que ce serait bien si une fois par année la mort pouvait prendre congé. Je sais bien que c’est un souhait irréalisable. En fait ce n’est pas la mort qui prend congé en été mais c’est nous qui cherchons à prendre congé d’elle ! Les voyages, randonnées, baignades, feux de camp sont autant de plongées hors du temps linéaire pour nous faire goûter à des petites parcelles d’éternité. Bonnes vacances à tous! Prenez du temps pour vous et vos proches. Éteignez vos écrans, utilisez vos cellulaires que pour les cas d’urgence et vous verrez qu’il fait bon vivre avec le silence numérique. Quant à moi , je serai de retour en août avec de nouveaux projets pour Le passage . Je profite également de l’occasion pour remercier les 2800 personnes qui ont visité ce site depuis son ouverture en novembre 2014. Aux dires des experts de la planète web ce serait un succès. Merci à vous tous.