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Ma coiffeuse, une perruque et le cancer

J’aime bien aller chez ma coiffeuse. Cela me remonte le moral.  Le salon n’est pas très loin de chez moi et ma « Keffeuse » comme elle le dit elle-même s’appelle Catou.  Une tornade blonde qui, au fil des ans, est devenue mon amie.  Entre  le bruit  des séchoirs, la sonnerie du téléphone, l’eau des lavabos qui coulent, nous arrivons à tenir une conversation  en  parlant  de rien mais quelquefois de tout.

Mon dernier rendez-vous  était  le mardi précédent le jour de Noël. J’aime bien cette journée car l’atmosphère est plus détendue, il y a moins d’achalandage.  Ce matin-là, à mon arrivée vers 8h30,   il y avait  une femme assise juste à côté du lavabo, portant un joli foulard sur sa tête.    Je m’insère lentement dans la conversation, on parle de Noël qui arrive, de la visite que l’on attend, du réveillon à préparer. Catou m’invite à m’asseoir sur la chaise et débute ma coloration.  Ses gestes sont précis, rapides, pas de temps à perdre les journées en cette période de l’année sont longues. Après quelques minutes de ce rituel  elle s’interrompt et se dirige vers l’autre cliente. Juste à côté de la dame, je n’avais pas remarquée, il y a une perruque de couleur châtain avec de petites mèches blondes qui sèche  sur une tête de mannequin.  Catou empoigne la perruque, passe sa main vigoureusement dans les cheveux  et  avec un immense sourire se tourne vers la dame en lui disant : « C’était le temps d’y faire son shampoing celle-là, tu vas être la plus belle de toute à Noël !»  D’un geste assuré mais d’une grande douceur elle  défait le fichu de la dame et le fait voler dans les airs.  Elle fait quelque pas de danse et demande à la dame : « Comment ça va tes traitements? »  Je retiens ma respiration  en me disant qu’elle a du front ma coiffeuse. Sans hésitation aucune,   la dame se met à parler  de sa maladie, son diagnostic, ses traitements de radiothérapie, de sa grande fatigue, mais surtout de ses chances de guérison qui, d’après son médecin, sont très bonnes. Elle s’accroche et elle sait qu’elle va guérir, se battre jusqu’au bout. Puis d’un geste plein de tendresse, Catou lui passe la main sur la tête en caressant le petit duvet qu’elle vient de couper avant que je n’arrive au salon. Elle dépose la perruque sur la tête  de la cliente et  place un miroir devant son visage en lui disant : « Te trouves-tu belle à matin? »  Émue, la femme  fait oui  d’un signe de la  tête et nous décroche le plus beau et le plus grand de tous les sourires.

 Quelques minutes après, elle quitte le salon non sans serrer ma Catou visiblement à l’aise avec la situation. Pendant  qu’une autre cliente se préparait à prendre ma relève sur la chaise Catou me dit : « Tu sais, j’ai plusieurs clientes atteintes du cancer et qui viennent ici pour trouver un peu de dignité, de bonheur. J’ai l’impression de leur faire du bien. Il m’arrive souvent lorsqu’elles sont en fin de vie de les visiter à l’hôpital.   Ces jours-là, je me dis que je fais le plus beau métier du monde ». Hommage à toi chère Catou, salutation à toutes ces travailleuses de l’ombre qui sans tambour, ni trompette redonnent du courage et changent le monde en y mettant de la bonté et surtout de la  beauté.

P.S. Hier soir j’ai soupé avec Catou.  Elle a lu le texte , elle est d’accord pour le publier. Elle me donne des nouvelles de la dame , elle vit un bout difficile… elle s’en sortira qu’elle me dit, c’est une battante!


photo: depositphotos.com/Goruppa/